Syrian Poet Aïcha Arnaout Interview

Unhappily I have only a French version & no time right now to translate into English. But here are the opening paragraphs of an interview by Cécile Oumhani with the Syrian poet Aïcha Arnaout. You can read the full interview here.

Cécile Oumhani: Entretien avec la poète syrienne Aïcha Arnaout

Aïcha Arnaout est une poète syrienne, qui vit à Paris depuis 1978. Elle écrit en français et en arabe et ses recueils ont été traduits en plusieurs langues. La première fois que je l’ai entendue lire, il y a plusieurs années, j’ai été interpellée par la pureté d’une poésie qui questionne loin notre présence au monde, avec sobriété et exigence. Nous avons souvent échangé, en particulier lors du Marché de la Poésie, place Saint-Sulpice. Depuis le début de la révolte syrienne, Aïcha Arnaout ne compte pas son temps pour les revues de presse qu’elle fait circuler presque quotidiennement, les rassemblements et soirées de soutien auxquels elle participe. Elle a accepté de répondre à mes questions peu après une soirée de soutien organisée au Forum des Images à Paris.
Parmi ses œuvres publiées, en arabe et en français, citons Eau et Cendre, Ed. Le Pli 2000, et 2003, Fragments d’Eau, traduit de l’arabe par Abdellatif Laâbi, Ed. Al Manar, Paris, 2003,La Fontaine, avec Alain Gorius, Ed. al-Manar, Paris 2008, La traversée du Blanc, Ed. Atelier de Villemorge, Angers, 2011.Ses derniers œuvres en arabe sont: La nostalgie des éléments, poèmes, Ed. Dar Kana’an, Damas, 2003 et Je te conduis vers l’autre, roman, Ed. Dar Kana’an, Damas, 2006.

Comment vivez-vous la révolte syrienne? Vous attendiez-vous à ces manifestations quand elles ont commencé en mars dernier, après la révolution tunisienne et égyptienne? 
Non, je ne m’y attendais pas. Depuis presque un demi siècle, la Syrie est tenue dans une main de fer. Personne ne pouvait parler, personne ne pouvait bouger, personne ne pouvait avoir une opinion. La répression de l’opposition et un lavage d’esprit en boucle se relayaient en permanence. La Syrie sous le règne des deux Assad est devenue une «Jamlakya», ce qui veut dire en arabe «république monarchique». Ce terme a été inventé alors que Hafez al-Assad, Assad I, préparait son fils Bassel à devenir président héritier.
Prenons le massacre qui a plongé la ville de Hama dans le sang durant 27 jours en 1982. Jusqu’à maintenant, nous ne savons pas le nombre exact des victimes. On estime qu’il y a eu entre 30 et 40 mille morts. On ne sait pas où se trouvent leurs corps. Ces personnes sont inscrites comme vivantes dans le registre de l’état civil, ce qui bloque toute démarche administrative qu’une famille veut entamer, comme pour l’héritage par exemple, en l’absence de l’un de ses membres. Ce massacre a été décidé sous prétexte d’étouffer le mouvement des Frères Musulmans, alors la plus farouche opposition contre le régime. Mais c’est toute une ville qui a été livrée à une indescriptible politique de terre brûlée, les chrétiens n’ont pas été épargnés non plus. Les églises ont été pillées, saccagées et détruites, les anciennes icônes volées pour être vendues ailleurs. Il y a eu en Syrie quatre grands massacres sous le règne d’Assad père, le 16 juin 1979 à Alep, le 10 mars 1980 à Jisr Elchougour, le 27 juin 1980 à Palmyre et le 2 février 1982 à Hama. Mais celui de Hamas a été qualifié comme «l’acte le plus meurtrier d’un gouvernement arabe contre son propre peuple dans le Moyen-Orient moderne «(Wright, Robin, Dreams and Shadows : the Future of the Middle East, Penguin Press, 2008, p. 243-244). Il a été mené par Refa’at al-Assad, le frère de Assad I. On voit actuellement que l’histoire se répète par le biais de Maher al-Assad, le frère d’Assad II.

J’ajoute à cela que, malheureusement, les deux Assad et leur clan, étaient soutenus à l’étranger par les deux bords ; les progressistes ne voyaient que les slogans affichés par ce régime socialiste, démocratique, anti impérialiste, pro-palestinien, réformateur etc. Et les pays libéraux fermaient les yeux au nom de concessions accordées sous la table, en échange d’intérêts stratégiques et économiques.

Alors, avec cet héritage sanglant d’arrestations, de détentions, de tortures, de viols et de meurtres, vous comprendrez pourquoi je n’imaginais pas que les poumons de la Syrie pourraient respirer à nouveau et que le bâillon qui cimente ses lèvres pourrait voler en éclats.

Durant la révolution tunisienne, j’étais seule à la campagne, dans ma retraite hivernale. Je suivais jour après jour ce soulèvement merveilleux contre la tyrannie, et je ne pensais pas à la Syrie. Le tour de l’Egypte est venu et j’en ai été à la fois exaltée, comme sous l’effet d’une potion magique, et angoissée en même temps. Plusieurs coups de fils me reliaient chaque jour à un ami égyptien. Malgré tout ce qu’on voyait d’atrocités, il était rempli par un espoir qui illuminait sa voix. Il me disait toujours : «Bientôt la Syrie». Je lui répondais : «Assez d’illusions, c’est impossible, c’est très loin». Il répliquait avec insistance et détermination : «Si, tu verras, c’est pour bientôt». Jusqu’à aujourd’hui, j’entends encore sa voix et je suis bouleversée.

Au début, je n’en croyais pas mes yeux, j’étais comme hypnotisée dans une sphère onirique hors du temps et sans lieu. Les premiers jours m’étaient irréels, comme si je n’existais pas. Puis soudain, je me suis vue naître. J’ai dit à une amie, il y a plus d’un mois : «La révolution syrienne m’a fait naître». Oui, c’est ça, j’en suis bien consciente et j’ai une profonde reconnaissance à ce grand peuple qui m’a permis de voir le jour.

Ce n’est pas du chauvinisme quand je dis «grand peuple», loin de là. La preuve, c’est que je suis née à Damas de parents albanais émigrés. Pourtant, mon destin est lié au destin de ce peuple, et mon sang s’est apparenté au sien. Je vis cela biologiquement sans aucune ambigüité.

Ce bouquet de flammes de «Bouazizi» a ravivé l’aspiration à la liberté en Tunisie, puis il y a eu Khaled Saïd en Egypte. Ensuite sont venus les tendres doigts aux ongles arrachés de treize enfants arrêtés et torturés pour attiser la révolte syrienne. Ce sont des étincelles en apparence mais un regard tellurique montre bien que c’est une véritable artère sismique qui s’étend sous les pieds des régimes despotiques de toute la région. Regardez la Libye où la révolte suit son chemin tant bien que mal, le Yémen et le soulèvement de Bahrein enterré vif par l’armée d’un voisin, celle d’un pays aussi répressif que l’Arabie Saoudite. C’est un royaume érigé par des briques religieuses et dressé par les bâtons des «Moutawe’a», alliés fervents de la famille royale. Tous les pays occidentaux n’y voient pas l’absence de leur «chère démocratie» et préfèrent fermer les yeux au nom d’intérêts communs.

Partout dans les pays arabes il y a actuellement des braises contestataires à différentes hauteurs sous la cendre. Les rois et les princes de la région ont bien conscience de ce phénomène, sinon, comment expliquer, à ce moment précis de l’histoire, l’adhésion du Maroc et de la Jordanie au Conseil de la Coopération du Golfe? Ne sommes-nous devant une «l’alliance des royautés», comme ce fut le cas au temps de la révolution française ?

 

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